Pour son premier rendez-vous de l’année 2023, Lillico a proposé la pièce de théâtre « Blablabla » conçue par l’Encyclopédie de la Parole. Un spectacle tout public à succès. Interview croisée d’Armelle Dousset, l’interprète, et Emmanuelle Lafon, auteure.
Les 11 et 12 janvier 2023, trois représentations du spectacle de théâtre « Blablabla » ont eu lieu à Lillico (lsalle Guy Ropartz). Un retour en terre rennaise. En effet, cette pièce écrite par Emmanuelle Lafon et Joris Lacoste, et interprétée par Armelle Dousset, a débuté au théâtre de l’Aire Libre (Saint-Jacques de la Lande) en 2017. Après plus de 300 représentations à Paris La Villette, au Havre, à Genève, et ailleurs, les Rennais ont pu revoir cette œuvre contemporaine à succès qui continue de sillonner les routes de France.
Entretien réalisé et restitué par Françoise avec la participation de Yan, Laurence et Marie-Laure
Comment avez-vous conçu cette pièce de théâtre ?
Emmanuelle Lafon : Le spectacle a cette particularité qu’il repose sur le montage de documents sonores extraits du réel. Les paroles sont mises en relation, les unes avec les autres, selon des critères musicaux, qui n’ont rien à voir avec le sens du message. Qu’est-ce qu’il y a en commun entre l’appel des élèves par une maîtresse et un commentateur sportif de football ? L’une égraine les noms et prénoms des élèves de sa classe. L’autre, les noms des joueurs en fonction de qui possède le ballon.
De même, le spectacle s’adresse aux enfants, et pas seulement aux adultes. Dans notre écriture, nous avons donc privilégié la reconnaissance du contexte. Par exemple, les enfants peuvent comprendre qu’on évoque un dessin animé quand on fait allusion à Tom Sawyer sans qu’ils le connaissent, ou qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une salle de classe, sans forcément connaître la classe de CM2 de Madame Dupont.
Ainsi, le texte est avant tout sonore. Il ne passe pas par l’écrit. Ce n’est pas d’abord des mots avec une plume, mais du son transcrit en mots. Ensuite, il y a un collage, dont la composition à un début, un milieu et une fin, selon le principe d’une narration dite classique.
Comment en êtes-vous venue à jouer cette pièce ?
Armelle Dousset : Je connaissais le travail de l’Encyclopédie de la Parole avant de la rejoindre. N’étant pas comédienne de formation, mais musicienne et danseuse, le travail autour de la parole en tant que matériel, mouvement, et musique me parlait beaucoup. J’ai participé à la recherche sonore. Puis, je me suis prêtée au jeu de l’écriture en direct pour faire évoluer le scénario et l’enchaînement des séquences.
J’ai appris 10 000 choses, qui finalement ne se sont pas retrouvées dans le spectacle, mais ce procédé d’écriture m’a bien convenu. Il a facilité les six mois nécessaires pour la mémorisation et l’apprentissage des enchaînements entre chaque document sonore retenu.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail de l’Encyclopédie de la Parole ?
Emmanuelle Lafon et Armelle Dousset : L’Encyclopédie de la Parole est un collectif d’artistes-performeurs, mais aussi linguistes et passionnés de la parole. Ce sont également de grands collecteurs de documents sonores. Pour chaque pièce, il y a une équipe de collecteurs qui se met en place.
Pour « Blablabla », ils étaient 7 à mener les recherches en fonction d’indications. Par exemple : un « homme à la télévision » pour introduire le spectacle. Dans cette collecte, il n’y a pas que des choses glanées sur Internet. Nous avons pris un dictaphone, notre téléphone, ou consulté nos propres archives ou celles d’une chaîne de télévision pour trouver un bout de journal météo.
Le projet de l’Encyclopédie de la Parole, c’est vraiment une mise en relation de documents sonores extraits du réel. Aucun propos n’est fabriqué dans nos spectacles, tout est extrait des documents sélectionnés.